PRIMATOLOGIE

Nous sommes tous des singes


Guy Duplat

Mis en ligne le 24/02/2006

Les livres se multiplient qui montrent notre proximité avec les grands singes

En ce début de millénaire, le phénomène est remarquable et troublant. De plus en plus d'études et de livres sont publiés qui montrent les grandes ressemblances de comportements entre les humains et les grands singes. Les gorilles, les orangs-outangs et, surtout, les chimpanzés et les bonobos apparaissent comme nos proches cousins. On a, aujourd'hui, amplement démontré qu'on ne descendait pas du singe mais que ces primates étaient de notre proche famille et que, eux comme nous, descendent d'un ancêtre commun qui vécut il y a 7 ou 8 millions d'années, c'est-à-dire très peu sur l'échelle de l'évolution. Cette ascendance commune donne à nos comportements de sidérantes similitudes. Si personne n'assimile un homme à un singe, il devient très difficile, par contre, de déterminer ce qui, par essence, les différencie. Pour Frans de Waal, le célèbre primatologue, dans son nouvel ouvrage - capital - qu'il vient de publier, «Le singe en nous, «nous ne descendons pas du singe mais nous sommes des singes». Les singes comme les hommes ont évolué ces derniers millions d'années de manière indépendante, mais les grands singes restent pour nous un troublant miroir, le signe flagrant d'un passé commun. Le fait est d'autant plus important que ces grands singes sont menacés d'extermination et que, bientôt peut-être, toutes traces de ces si proches cousins auront disparu et qu'il deviendra impossible d'étudier, chez eux, l'origine de nos propres comportements.

LA FIN DES FRONTIÈRES

Frans de Waal donne dans son livre d'innombrables exemples de comportements «humains» chez ces singes. Il cite ainsi le cas d'une primatologue travaillant dans un zoo américain et qui avait dû s'absenter plusieurs mois pour accoucher. Lorsqu'elle revient avec son bébé dans les bras, elle se mêle aux visiteurs et vient frapper sur la vitre de la cage d'une femelle chimpanzé dont elle s'était beaucoup occupée. Celle-ci court alors dans sa cabane et revient en portant à bouts de bras son bébé qu'elle place sur la vitre, juste face au bébé de la primatologue.

Frans de Waal étudie tout spécialement les chimpanzés et les bonobos, en faisant le parallèle avec le comportement humain. Les premiers sont réputés pour leur agressivité et leurs luttes pour le pouvoir. Les seconds sont célèbres pour leur pacifisme, l'égalité femelle/mâle, et pour l'utilisation frénétique des rapports sexuels pour apaiser les conflits. Bisexuels, les bonobos furent un temps portés aux nues par des mouvements homosexuels qui y voyaient la preuve que l'homosexualité était naturelle.

Frans de Waal démontre brillamment que nous avons en nous du chimpanzé et du bonobo. Nous pouvons être agressifs (dans les relations de pouvoir par exemple), mais aussi être doux, coopératifs et pacifiques comme des bonobos. En réalité, ces singes obéissent comme nous à une règle fondamentale de l'évolution: chacun cherche à ce que ses gènes se reproduisent au maximum. Le mâle cherche à féconder un maximum de femelles (le pouvoir l'y aide) tandis que la femelle, pour laquelle avoir de multiples partenaires n'aide pas à disséminer ses gènes, cherche un mâle qui protégera au mieux ses rejetons. Chez les chimpanzés, le mâle qui conquiert une nouvelle femelle peut tuer les enfants de celle-ci pour privilégier les siens. Chez les bonobos, comme tout le monde a des rapports avec tout le monde, personne ne sait qui est le père et l'infanticide n'existe pas. Chez les humains, on a choisi la famille nucléaire, avec un mâle et une femelle fixés pour la vie, afin de prévenir l'infanticide.

 

© La Libre Belgique 2006



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